De la Relation Client vers l’Expérience Client
Vu par Jean-François Ledey chez Air Liquide Healthcare
Jean-François Ledey est aujourd’hui Directeur de la Relation Client chez Air Liquide Healthcare et nous livre sa vision du virage que prend la relation client au sens large pour intégrer la notion d’expérience client, tendance de fond qui structure plus que jamais les organisations autour du client.
Ageelink : Pouvez-vous rapidement nous présenter votre parcours ?
JFL : J’œuvre dans la relation client depuis 20 ans à des postes de production, de vente et de direction générale en France et à l’international. Je suis actuellement directeur de la Relation Client et des projets SI au sein d’Air Liquide Healthcare (Opération Mondiales Santé), en charge de la stratégie de la relation client et du programme Expérience Client pour l’activité santé à domicile présente dans 35 pays.
Ageelink : Cette transition de la relation client vers l’expérience client, qu’est ce que cela signifie selon vous ?
JFL : Si on reprend le terme à la mode “d’expérience client”, c’est à mon sens un regroupement d’un ensemble de concepts autour du client comme les parcours clients, la voix du client, l’approche omni-canale, le tout orchestré en transverse dans l’entreprise.
C’est en soi une manière nouvelle de décrire les interactions entre les clients et les marques à travers la vue client plutôt qu’à travers les process de l’entreprise (principe des parcours client). Cette tendance vient du fait que le client connecté est devenu un consommateur averti qui accède comme il le souhaite à l’information en court-circuitant les canaux et parcours prédéfinis par l’entreprise.
L’évolution des attentes des clients et la digitalisation d’un bon nombre de process client font que chaque département voit les demandes clients se transformer avec un réel enjeu à partager une information non structurée entre les “silos” de l’entreprise.
Ces départements doivent aborder de plus en plus le client avec une approche multi-canale, voire omni-canale, ce qui est ambitieux, mais reste la cible. C’est la hausse des volumes, la nature de questions qui deviennent de plus en plus opérationnelles qui bouleversent les départements, là ou par le passé, ce type de demandes étaient prises en charge principalement par le service client.
Cette gestion de flux clients, ces nouveaux modes d’interaction nécessitent une approche du client transverse à l’entreprise, soutenue par des outils et des méthodes héritées du métier des services clients et de la “relation client”.
Ageelink : Avez vous des exemples concrets illustrant cette transition ?
JFL : Le métier de la vente terrain coûte de plus en plus cher. Même si une approche de key account management permet de se recentrer sur les réel clients à visiter, la notion de ”inside sales” se développe d’années en années (très présent outre atlantique depuis une vingtaine d’années). Les entreprises se structurent avec de réels relais commerciaux internes, sédentaires, avançant en binômes avec les commerciaux.
Cette gestion de la relation client à distance est nouvelle pour les directeurs de ventes qui ne gèrent pas le service client et donc n’appliquent pas ces méthodes et n’utilisent pas ces outils (Confrontation entre trois types de CRM: Un CRM business appelé aussi SFE qui permet de piloter la force de vente, un CRM marketing pour les campagnes marketing et un CRM service qui gère des flux et les demandes clients)
L’autre exemple courant est celui du community management et inbound marketing qui reste la propriété des département marketing et communication. Mais face à la gestion des demandes en volume, face au changement d’attentes des clients sur les réseaux sociaux, on dérive rapidement vers des demandes relevant du service client, faisant alors appel à ces mêmes méthodes et outils que maîtrisent les DRC. En effet, pour des entreprises matures sur les réseaux sociaux, plus de 2/3 des demandes sur ces canaux relèvent du service client .
Ageelink : Quels sont les effets de bord pour l’entreprise et les collaborateurs ?
JFL : La notion de frontière bouge encore, dans des organisation matricielles déjà complexes, ce qui n’arrange rien. Porté par la voix du client, ce CCO (Chief Customer Officer) ou DRC ou “avocat du client” se voit confier la lourde tâche de représenter le client, de manière transverse à travers les silos. Certes, il apporte des méthodes en tant que business owner, garantit la prise en considération de la voix du client mais il dérange aussi . Chaque département craint, sous prétexte de devoir respecter la voix du client, de perdre la main sur ses projets, lâcher son territoire à ceux qui jadis n’étaient que les “secrétaires du centre d’appels”. Ces changements occasionnent donc des bouleversement tant dans les compétences des profils mandatés sur ces sujets que dans l’étanchéité des frontières des départements.
Ageelink : Quelles sont les clés de succès pour réussir cette transition selon vous ?
JFL : Comme toute révolution interne, cette puissance de la voix du client couplée à cette approche transverse doit se doter d’un sponsorship fort et et au plus haut niveau dans l’entreprise. Si le mandat est bancal, la seule “voix du client” ne suffit pas pour bouger les frontières et embarquer les équipes.
En complément, ce virage de la gestion globale de la relation client nécessite une expertise forte qui ne peut que rarement se trouver en interne. On sait qu’en France, 80% du marché est insourcé et le fait d’avoir toujours travaillé en client interne (et non pas outsourcé), pénalise la mise en œuvre des projets, par manque d’expertise. De vrai experts des interactions client, sachant gérer des demandes en volume, de manière transverse dans l’entreprise, sur tous types de canaux de communication, sont attendus pour prendre ce challenge de l’expérience client. Le CCO fait partie de l’aventure pour apporter au “virage de l’expérience client” sa dimension opérationnelle.
Enfin, l’évolution des outils de la relation client permet de partager l’information client (CRM service en complément du CRM vente), d’orchestrer les flux client quels qu’en soient les canaux (CTI media blended, application omnicanal), d’allouer les tâches avec précision et efficacité (outils de workforce management). La seule recommandation pour ces outils est de bien se diriger sur des outils modernes, simples et faciles à administrer par le business et non par l’IT qui doit venir plutôt sur un support niveau 2 dans ce cas de figure.
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